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Carolina Herrera est surtout un jasmin merveilleusement profond et riche. Il n'est ni vert, ni frais, ni criard. C'est une variété profondément douce et charnelle, plus proche du jasmin nocturne. La tubéreuse, présente et forte, apporte sa plénitude beurrée au jasmin, tandis que les autres notes florales ne font que rehausser et équilibrer la formule. Les notes de fond sont riches et ambrées, légèrement sombres, et la civette jette un voile légèrement poudré/talcum qui confère à la fois un caractère plus charnel à l'ensemble et crée un paysage de rêve. La formule originale vintage est évidemment plus forte, plus riche, plus pleine ; chaque note est amplifiée et semble décadente, tandis que la base est plus sombre, plus moussue et beaucoup plus animale. On a l'impression d'être à Beverly Hills, de faire du shopping sur Rodeo Drive, d'être une femme d'affaires new-yorkaise, tout cela à la fois. Mais en même temps, j'imagine une belle du sud. Contrairement à d'autres fleurs de l'époque, Carolina Herrera a une certaine innocence, une attitude décontractée et terre à terre. Elle peut être l'hôtesse parfaite, s'habiller pour le dîner et se détendre sous son porche en sirotant un thé glacé épicé. Comme un vrai parfum des années 80, il respire la classe, le volume et la puissance. Il ne sent jamais l'artificiel, mais il est toujours hypnotisant et grandiose. La formule actuelle est encore assez bonne ; elle a une tenue et une longévité présentes, l'odeur penche plus vers un jasmin vert frais avec une plus grande dose de tubéreuse pour contrebalancer, et la base est plus boisée. Les inconvénients ? Il a perdu sa beauté animale, les fleurs sentent plus artificielles (bouquet emballé sous cellophane provenant directement du réfrigérateur du fleuriste) et la sensation de mousse a disparu. Le nouveau parfum est similaire à Gucci Bloom, bien que plus joli. Bien qu'il soit manifestement différent, il sent toujours Carolina Herrera. Si vous pouvez trouver du vintage, foncez. L'edt et l'edp sont tous deux plus riches que l'edp actuel. Commentaire basé sur un edt du milieu des années 90, dans la grosse boîte noire à pois, et un edp de 1988.
Miss Dior - 1950's edt splash examiné. Miss Dior est née peu après la Seconde Guerre mondiale, dans une période de dévastation, de pénurie et de désespoir. Alors que le monde se relevait lentement, Christian Dior lança la célèbre collection New Look dans un élan d'optimisme joyeux, pour permettre aux femmes de se sentir belles, fortes, désirées et indépendantes. Miss Dior était le premier parfum idéal, un accessoire plus facile à se procurer que la haute couture, plus onéreuse. Un parfum plein de joie, de fraîcheur, de joie de vivre. L'incarnation originale est un chypre floral magnifiquement élégant, avec des notes de galbanum, d'aldéhydes, de fleurs blanches, de mousse de chêne et des notes animales cachées qui donnent une sensation de parfum fourrure magnifique. L'ouverture est tout à fait remarquable. Ciel couvert gris tourterelle, mais pas mélancolique. Début du printemps. Des aldéhydes pétillants, du galbanum, de l'acétate de styrallyle pour le Gardenia. Une sensation de fraîcheur et de jeunesse pour toutes les femmes, à tous les âges. Un parfum d'optimisme. Le cœur commence à s'assombrir. Parmi les fleurs, la rose, le muguet porte-bonheur, l'iris, l'œillet... voluptueux et épicé, avec le poudré discret de l'iris, pour jeter un voile de féminité sensuelle. Les fleurs et les notes vertes dénotent l'élégance et le bon goût, un premier parfum parfait pour une jeune femme, mais qui recèle des secrets cachés, ce qui en fait un parfum parfait pour une femme forte et obstinée. Le cuir, le bois de santal, la civette, probablement l'ambre gris, la racine de costus, les nitromuscs... des notes qui ne crient pas mais qui enveloppent le parfum dans un bouquet de luxe et de méchanceté ; des sous-vêtements en soie sous un costume parfaitement taillé. Le désir d'être aimé, désiré, sans être vulgaire. La chaleur qui émane de la peau est glorieuse. Difficile de cerner les notes, il chante, tout simplement. Un chef-d'œuvre. Sous la direction de Christian, Paul Vacher et Jean Carles ont créé l'un des plus beaux parfums de l'époque, et l'un des chefs-d'œuvre les plus mémorables du siècle dernier. Comme si le floral vert de Ma Griffe et la puissance sexuelle de Tabu avaient eu un bébé, Miss Dior avait le pedigree de la maison qui l'a vu naître. Élégante, sensuelle, puissante. L'original a une merveilleuse ténacité sur la peau et un sillage puissant qui devient plus langoureux au fur et à mesure que la journée avance. Facilement porté par les hommes, Miss Dior est tout simplement une ode à la joie, à l'amour et à la vie. A ne pas confondre avec tout ce qui porte le nom aujourd'hui ; Miss Dior est resté intégral jusqu'à la fin des années 80/début des années 90. Si vous trouvez des flacons intacts sur eBay, ils constituent un bon investissement. Ce qui est actuellement vendu sous ce nom n'est rien d'autre qu'une triste plaisanterie.
Fidji - le parfum du paradis. Vintage, edt splash des années 70. Créé par la regrettée Joséphine Catapano (de Norell, Youth Dew etc), Fidji incarnait un nouveau style de parfumerie, un esprit vert et frais, inspiré en partie par L'Air du Temps, et plus tard inspirant le mythique Anaïs Anaïs. C'était un paysage de rêve, des îles lointaines, des plages exotiques et la magie de l'Orient. Mais pas à la manière d'un oriental lourd ; Fidji en était la version diurne, un parfum hippie plus branché mettant l'accent sur le patchouli et le bois de santal, et des notes vertes amères. À l'époque, quand tropical ne signifiait pas boissons roses fruitées et crème solaire à la noix de coco, Fidji était considéré comme une bouffée d'air frais. Et à juste titre : galbanum en abondance, aldéhydes, jacinthe, jasmin, ylang ylang, clous de girofle, orris, ambre gris, mousse de chêne, bois de santal... un parfum frais mais sensuel dont les premières annonces indiquaient : "une femme est une île, Fidji est son parfum". Revue de l'edt splash du début des années 70. Et en effet, c'était le cas. Vu à travers la lentille d'un paysage de rêve brumeux, Fidji surprend avec ses aldéhydes savonneux et son départ d'herbes amères. Frais, savonneux, la touche fraîche d'une peau fraîchement douchée. Le citron et la bergamote ajoutent encore de l'éclat sans rendre l'ouverture citronnée, mais en rehaussant le galbanum et en laissant la place aux fleurs. Des fleurs caressées par la brise du Pacifique. Riches mais jamais discrètes, les fleurs sont rehaussées par les clous de girofle épicés, avec une légère touche d'œillet, d'où l'association avec L'Air du Temps, plus sérieux et plus mature ; Fidji était plus jeune, insouciant, émancipateur. Explorant de nouvelles terres, brisant de nouvelles frontières. Mais même s'il y a un souffle inné d'air frais, Fidji réussit à sentir sensuel en même temps. Le fond ambré avec l'ambre gris pour son côté peau salée, le bois de santal de Mysore qui évoque l'Inde exotique et lointaine, les muscs sensuels, la mousse de chêne... des notes qui ancrent Fidji sur la peau pendant des heures, se développant et hypnotisant, enveloppant le parfum de sensualité et le faisant passer à la nuit. Fidji était considéré comme un parfum parfait pour les jeunes femmes. L'attrait de l'exotisme devenait une réalité, Woodstock était sur le point d'avoir lieu et le mouvement hippie était en plein essor. Mais si une jeune femme peut parfaitement porter ce floral vert et frais, il en va de même pour une jeune femme plus rusée. Des notes de fond profondes, un patchouli et un bois de santal riches, une beauté animale en filigrane. Fidji était le rêve d'une génération, un parfum qui concrétisait le nouveau monde et la rupture des frontières. Une image fixe d'une génération qui se libérait des restrictions et embrassait les opportunités. Fidji est et était pour tout le monde, et aujourd'hui il se sent plus unisexe que jamais. Dans sa formule du début des années 70, celle que je possède, il chante positivement sur la peau pendant des heures. La version vendue aujourd'hui, bien que plus fine et plus plate, parvient toujours à transmettre l'odeur des îles exotiques et des pays lointains. Une femme est une île, mais Fidji peut être porté par n'importe qui. Vert, frais, pétillant, intemporel et élégant. Un véritable chef-d'œuvre et ce que les parfums exotiques devraient sentir !
Mon Parfum Cheri, Par Camille ! Un magnifique hommage à Annick par Camille, tout comme Annick avait créé des années auparavant l'Eau de Camille pour sa fille. L'un, ludique et jeune, pour une petite fille. L'autre, sombre et nostalgique, un hommage tardif à l'une des pionnières de la scène de niche française. Mon Parfum Cheri est un hommage au patchouli avec l'aide de la violette (un des rares parfums où j'aime cette note), de l'iris, de la prune et de l'héliotropine. En dessous, la fameuse base de Prunol qui rappelle des merveilles comme Diorama et Femme de Rochas. Les trois pourraient se tenir fièrement ensemble, parfumant les stars du cinéma hollywoodien en noir et blanc du début des années 30. Un glamour comme on n'en voit plus aujourd'hui, dans des teintes pourpres sombres et de lourdes tentures de velours. MPC s'ouvre, se transforme et se termine par le patchouli ; brut, riche, terreux en pleine gloire, évitant les associations hippies et mettant plutôt en valeur les notes et les accords qui accompagnent la note. La violette, une note que je n'apprécie pas particulièrement, apporte sa qualité ozonique pour fournir des éclats de fraîcheur tout au long du voyage. Il n'y a pas de notes d'agrumes comme dans tant de parfums ; au lieu de cela, la violette est le verre d'eau de ce riche gâteau au chocolat. La prune, fruit succulent et érotique, apporte de la jutosité et de la chaleur, accompagnée de lactones de pêche et de noix de coco qui, ensemble, rendent le parfum plus crémeux au fur et à mesure que la journée avance. Au lieu de notes sucrées, celles-ci apportent la douceur et le léger goût sucré qui va et vient, rendant MPC plus accessible et moins stoïque. Des notes de cardamome, une épice froide, apportent des touches d'épices chaudes. Le parfum est légèrement animal, l'odeur de la peau chaude, des baisers perdus, des étreintes. Le cumin est bien présent. L'héliotropine, avec une légère nuance d'amande, apporte l'interdit, le mystique. Un parfum dangereux est toujours plus intrigant. Femme Fatale, Homme Fatal. Passionné et sensuel. L'iris, profond et solennel, riche et gras dans sa facette beurre d'iris, est présent tout au long de l'évolution. Parfois poudré, parfois sombre et racinaire, mais toujours magnifique, l'iris évoque la douceur d'un baiser d'amoureux. Des gants de velours que l'on retire lentement pour caresser une joue de pêche. Douceur et force. MPC est un parfum d'émotions. Plus chypré, bien qu'il ne le soit pas techniquement, il est à la fois fortement chargé d'associations avec des créations passées en raison de sa complexité et de son poids, mais aussi en raison de l'hommage qui lui est rendu. Des notes simples, facilement identifiables, habilement combinées et mélangées de façon magistrale. Évoluant et évoquant des souvenirs d'amour, des nuances riches et une forte présence, il dure facilement toute une journée avec un sillage toujours présent. Et il s'agit de l'edt ! Pour moi, l'une des meilleures créations d'Annick Goutal, dont j'ai eu l'intelligence d'acheter 2 flacons dès son lancement, craignant qu'il ne dure pas trop longtemps sur le marché. Malheureusement, j'avais raison. Mes flacons rouge rubis avec un nœud en dentelle noire devront me durer éternellement. Heureusement, les 2/3 vaporisateurs dont on a besoin pour rester parfumé pendant de nombreuses heures y contribueront. Amateurs de parfums vintage : à essayer absolument !
Sulfureux, dangereux, vénéneux, sensuel... tout cela ne suffit pas à décrire Poison, le grand monstre sorti de la maison Christian Dior en 1985, provoquant l'émoi et l'incrédulité des passants innocents. Un innocent flacon en forme de pomme contenant un dangereux élixir. Comment cela est-il possible ? Mais il était là, à l'insu de tous ; le succès de la décennie, le blockbuster, ce que tout le monde essaierait d'imiter. Aucun n'y est parvenu. Poison edt, revue basée sur des flacons de 1985 à 1992. Poison, par-dessus tous les extrêmes, la sensualité, la morsure, était une question de plaisir. Oui, il était profond et narcotique, charnel, mystérieux... mais il ne se prenait jamais trop au sérieux. Du moins l'edt. Puissant comme un bulldozer, il pouvait être senti dans tout le quartier. Les tapis des années 1980 en portent encore les traces, et les ascenseurs imprégnés de Poison ont encore une teinte violette dans leurs miroirs, une vrille de fumée de l'amusement à venir. On peut encore entendre les rires des heureux porteurs. Et les lamentations de ceux qui l'ont détesté. Des prunes compotées, des baies rouges, bleues et noires, un soupçon de coriandre, beaucoup de miel et vous obtenez une ouverture d'enfer. Comme un cocktail fruité, trop sucré pour savoir qu'il vous monte à la tête. Les fleurs en revanche, oh, les fleurs sont toutes dans leur prime jeunesse, dégoulinantes de charité. Tubéreuse, jasmin, fleur d'oranger, damascones à profusion avec leur tonalité vineuse entre rose et violette. Concentrées à l'extrême, les meilleures absolues pour accompagner cette fête folle, qui avait la chaude compagnie de la cannelle, de l'opoponax, de l'ambre, de la vanille, du bois de santal, plus un videur de castoréum à la porte pour garder les choses du côté sauvage nommé Hulk. Poison était un parfum de soirée. Il était si addictif qu'il restait sur la peau jusqu'au lendemain, lorsque vous en vaporisiez encore pour pouvoir affronter la journée qui s'annonçait. Poison devait être porté par amour, car une fois sur la peau, il y restait. Parfois pendant toute une semaine ! Le Poison était porté par tout le monde et partout, et c'est la principale raison pour laquelle il a été banni des restaurants et repoussé par de nombreuses personnes. En outre, il était porté avec abandon ! L'excès d'une bonne chose n'est pas si bon que ça, semble-t-il. Malheureusement, j'ai raté cette époque de quelques années, et même si mes bouteilles sentent parfaitement bon, l'environnement autour de moi n'est pas tout à fait le même. Il faut faire avec ce que l'on a, mais en portant Poison et en le sentant jusqu'à ce qu'on l'enlève, tout va mieux, même si je ne suis pas accueillie par de grandes coiffures, des robes lamées, des costumes de luxe ou des regards à l'entrée des restaurants ! Pour le meilleur et pour le pire, Poison, ce petit chef-d'œuvre de 1985, n'a pas fait long feu. L'internet regorge encore de bouteilles produites en série pour l'éternité, et il vaut mieux acheter l'une d'entre elles que ce qui est actuellement vendu sous ce nom ; si vous voulez connaître le vrai Poison, il vous faut le vrai, pas l'imposteur. Après tout, qui n'a pas l'air bien dans les miroirs violets des ascenseurs ? Et si vous fermez les yeux, vous pouvez encore le sentir !
Il semble que l'Antaeus n'ait jamais vraiment pris son envol pour Chanel. Alors qu'il aurait pu être pour la maison ce que Coco est devenu, Antaeus a été un succès du moment, engendrant un flanker Antaeus Sport de courte durée, puis s'est réfugié à l'arrière. Peu de gens utilisent Antaeus, même aujourd'hui, et même si Chanel l'a gardé pour ses adeptes, elle n'a pas pris la peine de le promouvoir ; le vintage jouit d'un statut culte, tandis que l'actuel, dépouillé par les lois et la réduction des coûts, aurait pu bénéficier d'un flanker plus récent, ne serait-ce que pour que les projecteurs soient braqués sur l'original. Commentaire basé sur un splash de 200 ml datant de 1982. Antaeus est l'un des rares parfums qui me fait penser à deux films spécifiques à chaque fois que je l'utilise : Cruising avec Al Pacino, découvrant son côté sauvage dans les clubs de cuir du quartier des abattoirs. Etant donné qu'Antaeus a connu un énorme succès auprès du collectif gay dans les années 1980, je me demande si cette association n'est pas si farfelue que cela. Mais Antaeus est bien plus que cela. Moins populaire, moins en vue que la brute populaire Kouros, lancée la même année, Antaeus a toujours gardé une apparence plus suave, une distance, tout comme Richard Gere dans American Gigolo ; est-il vraiment un tueur déguisé, ou a-t-il toujours eu l'instinct depuis le début ? Un chypre sec, herbacé, riche en bois, cuir et castoréum, avec une belle note de cire d'abeille qui s'est perdue au fil des années. Une rose profonde, N°5 d'une manière qui le relie à la maison et à la grande dame. C'est l'odeur du millésime. Antaeus s'ouvre sur des accents herbacés de myrte, de sauge, de coriandre, de basilic... L'intention de Polge était une composition classique. Mais nous sommes en 1981 et, qu'on le veuille ou non, le marché et les goûts dictent la puissance et la force. Polge a donc joué avec la mousse de chêne, le cuir et le castoréum, avec peut-être un soupçon de civette pour donner à la base toute la puissance et la longévité que les hommes et les femmes exigeaient, et a donné au cœur un traitement plus sombre. La rose et le jasmin qui brillent en arrière-plan sentent distinctement Chanel ; il y a un bref lien avec le N°5 dans cette belle veine florale qui court entre la sensation plus classique de l'herbe/du chypre et le grondement animal plus contemporain. Le cuir, abondamment riche, crée la signature d'Antaeus. Et c'est le cuir tanné en profondeur, Cuir de Russie rencontre Peau d'Espagne. Le gentleman classique rencontre son côté sombre. Etait-il là depuis le début ? Antaeus est toujours un plaisir à utiliser et un défi pour les sens. Bien qu'il s'agisse sans équivoque d'un parfum Chanel, le traitement des notes est l'œuvre d'un génie. Polge a créé quelque chose de classique et de respecté, mais il a aussi joué de son côté brutal et animal, jouant avec les ombres et les contrastes pour créer quelque chose de plus grand que la somme. Classe, élégance, sexualité, débauche. Antaeus était-il un tueur depuis le début ? La longévité est exceptionnelle, pulsant de la peau comme un battement de cœur dans la chaleur de la nuit, tandis que le sillage est doux et discret. En ce sens, il ne crie pas, mais il est toujours tapi dans l'ombre. Et quand il sort, il n'y a pas d'échappatoire.
Les années 90 ont été une bonne décennie pour les fleurs nectarifères et les douceurs ambrées. De nombreux parfums lancés au cours de ces années les mettaient en avant ; comme l'autre face de la pièce de Calone et de la propreté aérienne, les floraux lourds et mielleux constituaient l'autre extrémité du spectre. Et Jean Paul Gaultier (surnommé Classique à la fin de la décennie) a débarqué comme un boudoir en feu, avec de la poudre et de la vanille de fleur d'oranger ! JPG débute par des notes subtilement fruitées et légèrement épicées de bergamote et d'anis. La fleur d'oranger apparaît dès le début, c'est la note autour de laquelle tourne tout le parfum, et elle est plus grande que nature. On dit qu'il y a de la tubéreuse et de l'ylang ylang, mais honnêtement, je ne sens ni l'une ni l'autre. Il y a un certain "gras" que je suppose être la qualité beurrée de l'ylang, mais la Reine n'est nulle part. Je me demande cependant si l'on peut la sentir dans de brefs aperçus de vert qui clignotent pendant des nanosecondes avant de disparaître. Il y a également un effet vernis à ongles prononcé qui, je suppose, est dû aux aldéhydes ou à une combinaison de notes. Après tout, l'inspiration derrière ce parfum comprenait des perruques poudrées, du vernis à ongles et des rideaux de théâtre poussiéreux. Les notes de cœur et de fond montrent la fleur d'oranger en pleine floraison, capiteuse et lourde, mielleuse et épicée. Mais les épices sont plus douces que celles des décennies précédentes, et ici nous avons surtout de la cannelle et du gingembre, évoquant parfois les pots-pourris parfumés qui imprégnaient l'air des maisons, des magasins et de partout au milieu des années 90 ; à l'automne et en hiver, on ne pouvait échapper à l'odeur de cannelle et de vanille qui imprégnait de nombreux magasins ! La base présente les mêmes épices, mais adoucies par la vanille crémeuse, l'ambre et le bois de santal. L'aspect poudré ne m'apparaît qu'à la toute fin, et c'est alors une douce poudre violette, qui rappelle Oscar de la Renta ; mystérieuse, solennelle, magnifique. Le flacon que je possède date de 1995, lorsque le parfum s'appelait simplement Jean Paul Gaultier. Et bien que le flacon ressemble à un hommage moderniste au flacon Shocking d'Elsa Schiaparelli, l'enfant terrible a créé quelque chose de tout aussi avant-gardiste pour l'époque ; c'était l'équivalent pour les années 90 et le début des années 00 de ce que Poison, Giorgio et les autres étaient pour les années 80. C'était l'équivalent pour les années 90 et le début des années 2000 de ce que Poison, Giorgio et les autres étaient pour les années 80. Et il a réussi parce qu'il était amusant et bien fait. Un classique moderne et l'une des plus belles fleurs d'oranger. La formule d'aujourd'hui est plutôt mince, pâle et sans âme (quoi d'autre est nouveau ?), et même la couleur est presque transparente comparée à l'ambre profond du millésime. L'Essence de Parfum 2016 est la plus proche de la version originale et l'un des plus beaux flankers ; bien qu'elle ne soit pas la même, elle contient la même énorme fleur d'oranger, "modernisée" avec les nouveautés actuelles, la crème fouettée et le chili. Mais il vaut vraiment la peine si vous regrettez l'ancien Classique. Et tout aussi fort et puissant.
L'opium ! Repaire du plaisir, des délices charnels, de l'extase. Euphorie interdite. Blockbuster depuis le premier jour, Opium est (était) le succès inégalé d'Yves Saint Laurent. Suivant astucieusement les traces de Youth Dew (Lauder a dit un jour que c'était "Youth Dew avec un pompon"), Opium a débarqué comme une bombe en 1977, prenant le monde entier par surprise. À une époque où les médias sociaux et les groupes de discussion n'existaient pas, Opium faisait allusion au frisson de l'interdit et à l'état d'esprit ; au plaisir coupable et à l'extase érotique par le biais d'épices lourdes adoucies par des fleurs exotiques. La tanière d'Opium qu'Yves a imaginée et qui a suscité l'indignation de la population sino-américaine, interdite dans de nombreux pays arabes et vendue sans son nom sur la bouteille dans certains pays européens, n'était rien d'autre qu'un plaisir hédoniste sous forme liquide. L'opium ne fait pas l'apologie de la toxicomanie, un thème de plus en plus à la mode à la fin des années 70, et ne la tolère pas non plus. Il faisait simplement allusion à l'état de transe et de sensualité que l'on ressent dans les bonnes circonstances. L'opium était soit compris et immédiatement adoré, soit rejeté comme la peste. Le véritable Opium vintage, avec toutes ses notes interdites, ses ingrédients et ses allergènes, est l'un des parfums que j'aime le plus et que je chéris le plus. Rien, absolument rien ne s'en rapproche. Et malheureusement, cela le rend extrêmement difficile à remplacer. Longue critique/hommage basé sur différents flacons, splash et spray, de 1977, 1978, 1980, 1981 et 1984. Lors du lancement d'Opium, Yves a cherché à créer tout le contraire de Y, son premier parfum, qui était un chypre aldéhydique magnifique et élégant. Il voulait un oriental lourd, langoureux, extrêmement puissant et sensuel, qui rendrait les femmes folles et les hommes complètement sous son charme. Il fait appel à Jean Amic, Jean Louis Sieuzac et Raymond Chaillan et ensemble, ils créent une légende qui connaît un succès fulgurant avant même son lancement officiel, avec des testeurs volés, des bannières publicitaires déchirées, des soldes quelques heures après la mise en rayon, tout en provoquant un peu de démence dans la population. Oh, l'opium ! Fortement dépendant du clou de girofle, de l'œillet, de l'encens, du santal de Mysore, des résines, de la myrrhe, de l'opoponax, orné d'orchidées, de rose, de muguet, de jasmin, de pêche, de prune, d'orris et mystifié par le labdanum, le castoréum, le laurier, le poivre, les baumes et les muscs, l'opium était comme le souffle d'un dragon en furie. Rouges profonds, ambres dorés, fleurs de feu, fleurs de vie. Aujourd'hui encore, les mots me manquent pour parler de l'opium ; je le trouve si magistralement mélangé, si fidèle à son sens, que je ne peux pas (et ne veux pas) l'analyser ou disséquer ses notes. Il est inévitable que certaines d'entre elles me passent sous le nez et soient facilement détectées, mais Opium est un tel état d'esprit que le vrai plaisir est de s'y abandonner. Oui, il est épicé, floral, aldéhydique et mystérieusement poudré en fond, oui, rien de ce qui a été utilisé librement pour le créer ne peut être utilisé avec le même abandon aujourd'hui, mais pourquoi le briser en morceaux ? Si ce n'est pour rien d'autre, le plaisir est de le sentir toute la journée et d'observer son évolution, comment il caresse les sens et comment il embrasse ceux qui ont la chance de l'aimer et de l'adorer. L'opium est très polarisant et, pour la plupart des gens, il réveille des souvenirs, quels qu'ils soient. Bons ou mauvais, ceux qui l'ont porté, les ascenseurs qu'il a imprégnés, le patron qui s'en est aspergé... qu'on l'aime ou qu'on le déteste, cet opus magnum le plus reconnaissable ne peut vous laisser indifférent. Considérez-vous comme chanceux si vous pouvez seulement le sentir dans votre esprit. L'opium ne se dégrade pas, mais il s'adoucit avec l'âge. Les flacons d'époque sont toujours aussi percutants, avec un énorme sillage et une longévité de 24 heures, mais ils ont perdu l'éclat frais qu'ils avaient en 1977 ; ils se sont assagis et concentrés, de sorte que l'odeur est plus riche et plus dense. La patine du temps, mais toujours imbattable. Et mon opinion personnelle : jusqu'au début des années 80, l'opium n'a pas été reformulé, n'ayant peut-être subi que de minuscules changements. Il était si incroyablement cher à produire que c'était tout simplement inévitable. À la fin des années 80 et au début des années 90, les changements étaient un peu plus prononcés, mais l'opium restait lui-même. À l'aube du nouveau millénaire, Opium a commencé à subir les conséquences des réductions de coûts, des changements de goût et de l'évolution de la société, et en 2005/2006, Opium n'était plus Opium. L'Oréal l'a tout simplement tué, et ce qui se vend sous le nom d'Opium depuis lors n'a rien, rien à voir avec le nom. Il aurait dû être complètement abandonné. Alors que les générations futures n'auront probablement jamais le plaisir de connaître ce joyau, tous ceux qui ont eu le plaisir d'en faire l'expérience sont extrêmement chanceux. Et je remercie ma bonne étoile et eBay de m'avoir permis d'avoir le plaisir de faire de la radiesthésie avec. Mon sillage est gratuit ; aucun remerciement n'est nécessaire.
Un chypre puissant et sensuel. Comme beaucoup d'autres qui appartiennent au même domaine et partagent des similitudes (Paloma, Diva, Eau du Soir...), Knowing passe de décisions exécutives le matin à une fonction théâtrale le soir, avant de s'achever dans un club clandestin. Alors que les autres sont plus 'take no prisoners', Knowing partage la débauche de La Nuit ; elles ne sentent pas la même chose mais elles pourraient être sœurs. La charité est le thème du jour ! Le miel est très présent dans Knowing, tout comme dans un parfum qui a 20 ans de moins et qui s'en inspire, Soir de Lune. Et si ce n'est pas le cas, alors ce doit être le pitosporum qui fait un travail similaire dans Blonde (Versace). S'ouvrant sur une bouffée d'aldéhydes, Knowing est d'emblée animal et miellé ; le melon ? Pas vraiment, mais la prune ajoute une belle touche juteuse qui enveloppe l'ensemble de la composition. Certains jours, je perçois distinctement les fleurs, mais la plupart du temps, le mélange est si bien fait que je m'y perds. Certains jours, le parfum est poudré et je me dis "oh, voilà le mimosa et l'orris". Certains jours, les facettes boisées brillent davantage, ou le côté épicé, et je sens le patchouli, le bois de santal et les épices... toujours florales, narcotiques et jamais pudiques. La mousse de chêne brille dès le cœur et ne s'estompe jamais. La civette est un acteur majeur de l'ouverture au fond, et cette saleté érotique qui ne s'estompe jamais, mais engloutit les autres notes dans une méchanceté sans honte, est ce qui le relie à La Nuit ; élégant, bien fait, classe, mais avec un côté sale qui ne peut pas être caché. Knowing est un chypre magnifiquement doux, moins axé sur la rose et plus sur la mousse de chêne et les fleurs blanches. Magnifique sur les hommes et les femmes. En examinant un premier splash millésimé et en le comparant avec un échantillon que j'ai du milieu des années 2000, j'ai constaté que Knowing s'était assez bien maintenu jusqu'alors. Je ne sais pas ce qu'il en est des bouteilles actuelles, mais mon millésime a le punch d'une vie entière. Et il n'en est que meilleur ! L'une des meilleures créations de Lauder ; cette femme savait ce qu'elle faisait !
Vintage 1973 Joy extrait, flacon à priser noir (mignon comme tout) Ma référence en matière de jasmin ! L'élégance, c'est la simplicité. Joy est l'élégance dans une bouteille. Malgré toute la complexité de la formule, qui est arrivée scellée et parfaitement conservée, c'est un jasmin époustouflant simplement réchauffé par la civette et les muscs réels à l'intérieur. Ce n'est pas sale, ce n'est pas extravagant d'une manière plus contemporaine (pensez aux superbes parfums des années 70/80) ; c'est simplement beau. Le jasmin et moi avons une relation amour/haine. J'adore la fleur elle-même, son odeur dans l'air, le fait de sucer la tige et de savourer le nectar. J'ai grandi au milieu des jasmins et la nuit, surtout en été, le parfum était enivrant. Pour moi, aucun parfum n'a réussi à capturer cette odeur. Certains s'en sont approchés et d'autres sont de véritables beautés. Joy est un voyage dans mon enfance et je sens enfin le vrai parfum. La fleur de jasmin est mise en bouteille et conservée dans un petit flacon qui fait office d'histoire du parfum. Beauté d'une époque, pas si lointaine, où la qualité était de mise et où des maisons comme Patou produisaient de l'ART, même si les gains financiers étaient dérisoires. Qui, aujourd'hui, dans son bon sens, mettrait en bouteille un parfum si cher à fabriquer qu'il n'y a aucun bénéfice sur les ventes ? A part cette petite histoire, ce qui prédomine sur ma peau, à part le jasmin, c'est une rose timide. Timide parce que ma peau ne la met pas en avant. La star est le jasmin, tandis que toutes les autres notes ne font que le mettre en valeur. Le parfum est riche, rond, chaud, bien assemblé. Rien ne crie, rien ne semble déplacé. Le bois de santal est crémeux, du vrai bois de santal, la mousse de chêne, même si elle n'est pas forte, est merveilleuse. Et la civette, ma civette bien-aimée, a des manières, apportant simplement la chaleur nécessaire dont Joy a besoin pour briller. Et le musc, un beau musc sexy ! Je ne pensais pas qu'il serait aussi bon, et je suis heureuse d'annoncer qu'il est à la hauteur de son statut. Dans des moments comme celui-ci, j'aimerais pouvoir voyager dans le temps et acheter des parfums de l'époque où tout le monde pensait qu'ils seraient toujours aussi bons. Croyez-moi, si vous trouvez des flacons dont le sceau de baudruchage est intact, investissez. Des parfums si bien faits qui résistent à l'épreuve du temps des décennies plus tard, prêts à se déployer sous le nez d'un amateur de parfums ! Évidemment, les Joy d'aujourd'hui ne sont plus les mêmes. L'IFRA est arrivé, les lois sur les allergènes sont entrées en jeu, de nombreux ingrédients ont été interdits ou ont tout simplement disparu, les naturels sont très chers, et les goûts ont changé. Mais l'edp que je possède de 2013, de Designer Parfums, est très proche, très fidèle à ce qu'est Joy, et compte tenu des circonstances, extrêmement bien fait. Oui, il est un peu plus criard, plus commercial, mais il sent toujours aussi bon, et je suis heureuse de voir que, au moins maintenant, Patou est entre de bonnes mains et que ses parfums n'ont pas suivi les traces d'autres marques autrefois glorieuses. Mon petit flacon de tabac à priser me servira de drogue quand seul le parfum le plus cher du monde fera l'affaire !