Les années 90 ont été une bonne décennie pour les fleurs nectarifères et les douceurs ambrées. De nombreux parfums lancés au cours de ces années les mettaient en avant ; comme l'autre face de la pièce de Calone et de la propreté aérienne, les floraux lourds et mielleux constituaient l'autre extrémité du spectre. Et Jean Paul Gaultier (surnommé Classique à la fin de la décennie) a débarqué comme un boudoir en feu, avec de la poudre et de la vanille de fleur d'oranger ! JPG débute par des notes subtilement fruitées et légèrement épicées de bergamote et d'anis. La fleur d'oranger apparaît dès le début, c'est la note autour de laquelle tourne tout le parfum, et elle est plus grande que nature. On dit qu'il y a de la tubéreuse et de l'ylang ylang, mais honnêtement, je ne sens ni l'une ni l'autre. Il y a un certain "gras" que je suppose être la qualité beurrée de l'ylang, mais la Reine n'est nulle part. Je me demande cependant si l'on peut la sentir dans de brefs aperçus de vert qui clignotent pendant des nanosecondes avant de disparaître. Il y a également un effet vernis à ongles prononcé qui, je suppose, est dû aux aldéhydes ou à une combinaison de notes. Après tout, l'inspiration derrière ce parfum comprenait des perruques poudrées, du vernis à ongles et des rideaux de théâtre poussiéreux. Les notes de cœur et de fond montrent la fleur d'oranger en pleine floraison, capiteuse et lourde, mielleuse et épicée. Mais les épices sont plus douces que celles des décennies précédentes, et ici nous avons surtout de la cannelle et du gingembre, évoquant parfois les pots-pourris parfumés qui imprégnaient l'air des maisons, des magasins et de partout au milieu des années 90 ; à l'automne et en hiver, on ne pouvait échapper à l'odeur de cannelle et de vanille qui imprégnait de nombreux magasins ! La base présente les mêmes épices, mais adoucies par la vanille crémeuse, l'ambre et le bois de santal. L'aspect poudré ne m'apparaît qu'à la toute fin, et c'est alors une douce poudre violette, qui rappelle Oscar de la Renta ; mystérieuse, solennelle, magnifique. Le flacon que je possède date de 1995, lorsque le parfum s'appelait simplement Jean Paul Gaultier. Et bien que le flacon ressemble à un hommage moderniste au flacon Shocking d'Elsa Schiaparelli, l'enfant terrible a créé quelque chose de tout aussi avant-gardiste pour l'époque ; c'était l'équivalent pour les années 90 et le début des années 00 de ce que Poison, Giorgio et les autres étaient pour les années 80. C'était l'équivalent pour les années 90 et le début des années 2000 de ce que Poison, Giorgio et les autres étaient pour les années 80. Et il a réussi parce qu'il était amusant et bien fait. Un classique moderne et l'une des plus belles fleurs d'oranger. La formule d'aujourd'hui est plutôt mince, pâle et sans âme (quoi d'autre est nouveau ?), et même la couleur est presque transparente comparée à l'ambre profond du millésime. L'Essence de Parfum 2016 est la plus proche de la version originale et l'un des plus beaux flankers ; bien qu'elle ne soit pas la même, elle contient la même énorme fleur d'oranger, "modernisée" avec les nouveautés actuelles, la crème fouettée et le chili. Mais il vaut vraiment la peine si vous regrettez l'ancien Classique. Et tout aussi fort et puissant.
Jean Paul Gaultier Classique ne mentionne pas le jasmin dans les notes officielles, et pourtant il sent comme une bombe pailletée jasmin-vanille sur une piste de danse enivrée. Cela me rappelle une soirée où j'ai rendu visite à une amie et où, sans m'en informer au préalable, elle avait convenu avec d'autres amies que nous nous retrouverions toutes pour aller en boîte de nuit. En tant que personne timide et casanière, c'est la dernière chose que je veuille JAMAIS faire, mais en tant qu'invité, vous êtes parfois piégé dans ce genre de choses, et je suis aussi une personne qui aime plaire aux gens. Alors voilà. Et c'est ce que nous avons fait. Les toilettes pour dames étaient remplies de clientes éméchées qui se coiffaient et se maquillaient, et notre amie commune a sorti un flacon de parfum de son sac à main pour rafraîchir son odeur. Même moi, l'obsédée du parfum que je suis, je trouve ça bizarre. Un flacon entier, wow. Quoi qu'il en soit, ce flacon était un parfum Jean Paul Gautier, et aujourd'hui encore, il me fait penser à des cocktails alcoolisés en boîte de nuit et aux larmes parfumées au jasmin d'inconnus dans les salles de bain qui me disent qu'ils m'aiment juste quelques instants avant de vomir sur mes pieds.